Brave bête

Publié le par Ganos

[A ces dominas qui font mine de mieux savoir que moi qui je suis et ce dont je suis capable.]
 
Là d’où je viens, on peut avoir des parents de milieux différents et grandir dans deux cultures, acquérir plusieurs langues et visions du monde. Si on a l’âme musicale, on peut apprendre le violon, la guitare ou la flûte. Puis l’accordéon, la cornemuse ou même le cymbalum si ça nous chante. On a le droit d’aimer plusieurs fruits, de cuisiner indien tout en appréciant de cuisiner italien sans que personne ne nous soupçonne d’avoir trahi quoi que ce soit. On peut développer à la fois des compétences manuelles et intellectuelles. Dans mon pays d’origine, dans les danses de couple, on peut pousser la curiosité jusqu’à s’initier aux deux rôles pour avoir une vision plus complète de la danse. Pour ressentir le plaisir, les besoins et les responsabilités de chacun des deux. Pour embrasser la totalité de l’alchimie qui opère, s’y jeter à corps et imaginations perdues. Pour se laisser foudroyer par la joie avec un peu plus de conscience. Et lorsqu’on croise un autre musicien ou quand on va au bal, on choisit notre instrument ou notre rôle de manière à ce que la complémentarité profite à tous en visant le plaisir maximal.
 
Dans votre pays, il semble normal de ne pas se mélanger pour préserver une certaine pureté, d’être « monotruc » (monoglotte, mono-instrumentiste...) et membre de l’église du « Ou » (fraise ou banane, guideur ou guidé…). Du monochrome au noir ou blanc, il n’y a chez vous pas vraiment de place pour la pluralité du vivant. Dans mon pays, comme disait Desproges, l’ouverture d’esprit n’est pas une fracture du crâne. Les particularités s’ajoutent, tout ce qu’on a appris en chemin enrichissant celles et ceux qui croisent notre route.
Alors, chaque fois que vous me traiterez de « switch » (sous-entendu "brave switch") ou d’autre chose, entendant par là que je serais d’une race inférieure ou un animal de foire dont la fréquentation pourrait vous causer une entorse au cerveau, souffrez que je vous renvoie la politesse en vous traitant de « brave bête ».
 
Ce qui me gêne, c’est que s’il y avait un gêne de la bêtise, vous en seriez tellement pourvues que vous auriez de quoi vous tricoter au moins trois parures neuves par jour. Mais toujours de la même couleur et de la même texture.
Je vous en veux de m’exclure de la contemplation de ce que vous avez d’unique pour le réserver à des gens qui soit auront peur de regarder vraiment, soit seront incapables d’en apprécier toutes les nuances à force de s’être laissé élaguer le regard.
Je vous en veux de me considérer comme misérable quand j’ai plaisir à partager mes richesses.
Car dans pas si longtemps nous serons des épaves desséchées, définitivement hermétiques à toute notion de pedigree, d’étiquettes et de plaisir.
En attendant je me sens triste de vous entendre vous dire femmes libres alors que je vois votre imagination marcher au bout d’une laisse.
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